Un « Oncle Vania » intense et poignant
Le metteur en scène Philippe Nicaud a recentré la pièce de Tchekhov sur les cinq personnages principaux pour créer un huis-clos où s’exacerbent les frustrations et les espoirs déçus.
Le professeur Sérébriakov (Bernard Starck) s’est retiré avec sa jeune femme Eléna (Céline Spang) dans le domaine de sa première épouse défunte. Le domaine est exploité par sa fille Sonia (Marie Hasse) et le frère de la première épouse, oncle Vania (Fabrice Merlo). Le temps est à l’orage. Vania est passionnément épris d’Eléna, à laquelle n’est pas non plus insensible Astrov (Philippe Nicaud), le médecin de campagne dont est secrètement amoureuse Sonia…
Frustrations et espoirs déçus
La petite scène du théâtre se prête particulièrement bien à ce huis-clos étouffant, où les personnages se frôlent et se désirent, et où les non-dits macèrent. Mis à part l’odieux professeur Sérébriakov, tous les personnages ont l’impression d’être passés à côté de leur vie.
Fabrice Merlo interprète avec justesse un oncle Vania bouleversant, qui s’est éreinté à la tâche pendant 25 ans pour envoyer de l’argent au professeur Sérébriakov, dont il réalise soudain qu’il n’est pas le grand homme qu’il croyait. Astrov se désole que la forêt disparaisse et se console dans l’alcool, mais Philippe Nicaud n’en fait pas un triste sire pour autant. Il drape son personnage dans un désespoir élégant et choisit de le faire chanter et jouer de la guitare, ce qui apporte un peu de légèreté à cette atmosphère lourde de rancœur et d’amertume.
Mention spéciale pour Marie Hasse, à qui revient le rôle de l’amoureuse transie au physique ingrat. Émouvante, la comédienne sait nous fait partager la déchirante résignation de cette jeune femme qui aura aimé sans retour.
Dans cette mise en scène, nulle référence à la Russie de la fin du 19e siècle, nul décor « à la russe ». Débarrassé de tout folklore, ce grand texte universel résonne ainsi de toute sa beauté poignante.
S.D.
Photographies fournies par la compagnie
« Oncle Vania », mise en scène Philippe Nicaud
Essaïon Théâtre, 6, rue Pierre au Lard, 75004 Paris
Jusqu’au 19 mars 2017
Représentations jeudi à 19h30, dimanche à 18h
Durée : 1h25