« Le Monte-plats » au Lucernaire : deux Pinter pour le prix d’un

Le théâtre Le Lucernaire présente une mise en scène originale d’une des premières pièces d’Harold Pinter.

Dans le sous-sol d’un restaurant désaffecté d’une ville d’Angleterre, Gus et Ben, deux tueurs à gages, attendent leur prochaine victime. Dans ce lieu aux murs aveugles, il n’y a pas grand-chose à faire pour tuer le temps, hormis lire les faits divers d’un journal qui traîne par là ou aller et venir d’une pièce à l’autre. Mais soudain une enveloppe est glissée sous la porte et un monte-plats se met en marche, avec à l’intérieur une commande de repas.

Simon Larvaron (Gus) et Benjamin Kühn (Ben)

Le Monte-plats (The Dumb Waiter) est une des premières pièces écrites par l’écrivain et dramaturge britannique Harold Pinter (1930-2008), qui a obtenu en 2005 le prix Nobel de littérature. Influencée par le théâtre de l’absurde et par Samuel Beckett, son œuvre est qualifiée de « théâtre de la menace » : une situation en apparence ordinaire, avec une intrigue réduite au minimum, devient rapidement oppressante.

Ici, la menace vient de ce mystérieux monte-plats, figure d’une autorité invisible à laquelle se soumettent sans rechigner les deux compères. Et qu’importe s’ils n’ont pas sous la main le steak-frites et les gâteaux de riz demandés, un paquet de chips et des gâteaux rassis feront, semble-t-il, bien l’affaire. Dans ce huis-clos à la limite de l’étouffant, l’absurde et la cocasserie des dialogues contrebalancent la tension qui va grandissant.

Une mise en scène en miroir

Surprise : pour sa mise mise en scène, Étienne Launay a choisi de dédoubler les personnages et le lieu. Il n’y a donc pas deux, mais quatre comédiens (Benjamin Kühn, Simon Larvaron, Bob Levasseur, Mathias Minne). Et le plateau est divisé en deux, avec de chaque côté les mêmes accessoires (lits, couvertures, tabourets). À coup d’entrées et de sorties rythmées et fluides, les comédiens se passent le relais.

Les deux duos sont très différents, ce qui donne au spectacle deux atmosphères contrastées. Le duo numéro un (Mathias Minne – Gus, Bob Levasseur – Ben) fait pencher la pièce du côté de la comédie. Mathias Minne, veste de survêtement et allure de gangster à la petite semaine, arrive par ses talents d’acteur comique à désamorcer ce qui se joue de violent dans les rapports de force entre les deux hommes, marqués par la domination. Son partenaire, Bob Levasseur, débardeur et flingue en bandoulière, joue parfaitement le caïd de cinéma. Avec son jeu plus neutre, le duo numéro deux (Simon Larvaron – Gus, Benjamin Kühn – Ben) souligne l’irréel de la situation et met en exergue la dimension quasi existentielle de l’attente.

Deux duos très différents

« La vérité au théâtre est à jamais insaisissable », affirmait Pinter dans son discours de réception du prix Nobel de littérature, en 2005. Avec sa mise en scène en miroir, Étienne Launay essaie de cerner cette vérité en en montrant la dualité.

S.D.

« Le Monte-plats »
Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris
Jusqu’au 20 mai 2018
À 18h30 du mardi au samedi, dimanche à 15h
Durée : 1h05

À voir aussi au Lucernaire, de la même compagnie :
« L’Affaire Courteline »
Jusqu’au 6 mai 2018
À 19h du mardi au samedi, dimanche à 16h
Durée : 1h20

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