La table des Meilleur
Troisième épisode de la saga Meilleur
Doublement étoilée depuis 2008, la table de La Bouitte consacre le talent de René et Maxime Meilleur tout en magnifiant les produits du terroir savoyard. Quand le Michelin va t’il leur octroyer la consécration suprême qui serait pleinement justifiée ?
De la salle à manger de grandes baies vitrées permettent de voir la brigade des quelques 20 cuisiniers s’affairant derrière les pianos. Mais loin de moi l’idée de regarder, de reluquer des tours de main : cette cuisine là, à 4 mains de plus, est de l’orfèvrerie et difficilement accessible à la ménagère de base !
Pourtant les Meilleur sont revenus à bien plus de « simplicité », une relative simplicité cependant, dans le but de magnifier et de mettre en valeur le produit, le seul produit. Comme dit René le père, j’ai été élevé à la polenta et il faut retrouver ces plats là en les sublimant. Exit les mélanges trop sophistiqués d’iode-terre-herbe ; place aux produits gastronomiques de la Savoie (crozets, féra et omble chevalier des lacs, pigeon et écrevisse à pattes rouges) sans oublier les viandes et fromages d’alpage. Attention cependant, les crozets ne sont pas cuits à l’eau comme de vulgaires pâtes ; mais travaillés en risotto au Beaufort, aux girolles et à l’oseille des bois. La polenta n’est pas seulement agrémentée d’une noix de beurre ; elle est préparée au lard colonnata et au lait mousseux infusé au pain toasté.
Le principe dans ce restaurant : bien sûr une carte (env. 150 €) ; mais les menus dits carte blanche sont plus inédits. Hors amuse-bouche, pré-dessert, mignardises et autres gâteries, un choix de 3 plats (115 €), 4 plats (145 €), 5 plats (175 €), 8 plats (225 €) que les chefs composent pour vous en respectant vos goûts ou intolérances. C’est la surprise, on ne vous dira rien …. mais quelles surprises ! De A à Z, le repas est, tout simplement, magnifique.
Une bouchée apéritive : dans un verre rempli de coquilles vides, une huître Gillardeau dans un voile gélifié d’eau de mer assaisonnée par des perles de yuzu qui éclatent en bouche libérant leur jus.
Une mise en bouche : anodin au 1 er abord un petit bol avec un peu d’écume blanche. En bouche une mousse aérienne fromagère ; il s’agit d’une raclette revisitée en soufflé–espuma. Etonnamment léger en bouche tout en apportant la puissance du fromage.
Une entrée : le contraste cristallisé en glace-croquant-aqueux-huileux d’un caviar Alverta impérial (maison Petrossian) posé sur une émulsion travaillée en neige de chou-fleur avec une pointe d’huile de noisettes. Un grand moment qui n’est pas sans rappeler une certaine gelée de caviar sur crème de chou-fleur d’un certain JR.
Un plat : le pigeonneau (filet rôti dans un poêlon, ragoût sur un toast comme en parmentier, des champignons et une plante sauvage au doux nom de chénopode Bon Henri pour parfumer l’ensemble). Si vous êtes gibier, la « tendreté » du filet de chevreuil est incomparable. Rose sans être saignant, avec un jus réduit et de la confiture de cynorhodon.
Un pré-dessert : façon trou savoyard mais non alcoolisé, un jus de coing mousseux et émulsionné pour suggérer une bière, des chips-pétales de coing cristallisées au sucre. C’est frais, léger.
Un dessert : deux propositions très originales : l’une noire de geai car au chocolat et à la truffe, l’autre virginalement blanche car au lait. La première prend la forme du mythique champignon, la tuber melanosporum. Dans l’assiette une boule un peu biscornue par sa forme, granuleuse dans sa croûte extérieure comme l’est une truffe. Quand on ose attaquer la truffe, pas de rainures blanchâtres de bon aloi ; l’ensemble est blanc (de l’œuf en neige) avec un cœur coulant. Le tout surmonté d’une grosse lamelle de truffe et posé sur une crème anglaise parfumé à la truffe. Une prouesse technique tout en subtilité et parfum à l’image aussi du lait dans tous ses états ou une manière fabuleuse de travailler le lacté en différentes textures (meringuée, confiture, biscuitée, glacée).
Un vin : plus qu’une carte, le sommelier vous présentera un livre entier. Dans les antres du chalet dorment plus de 1 000 références, des millésimes de 75 à 2013 avec des prix allant de 30 à 29 000 € la bouteille. Sauf à n’aimer que le Bourgogne ou que le Bordeaux, optez pour le local (même s’il y a des belles cuvées, la facture sera plus légère que pour certaines appellations) et laissez vous guider par le sommelier. Un Apremont Cuvée « par le cœur » 2011 du Domaine JC Masson à 68 € sur un poisson comme la truite fario ; une Roussette de Savoie « vieillie en fût d’acacia » 2010 du Domaine Grisard à 65 € sur les crozets ou la polenta ; une Mondeuse Cru Arbin cuvée la Rouge 2008 Domaine Louis Magnin à 78 € pour gibier et volailles ; pour les desserts une « vendange d’exception » 2009 Domaine Idylle à 84 €.
Jusqu’en avril, La Bouitte propose quelques soirées exceptionnelles de gastronomie et d’œnologie autour de maisons comme Cos d’Estournel, Jean Louis Chave, Dominique Belluard, La Romanée Conti. En association avec le sommelier, de grands critiques comme Burtschy du Figaro et Bettane du guide éponyme participent à ces soirées pour échanger avec les esthètes gourmets présents.
Mais sans même prendre part à ce type de repas, vous passerez un moment tout à fait hors du commun, hors du temps lors d’un repas à La Bouitte.
Un gourmet un peu averti ne peut donc que s’étonner que l’établissement ne soit pas d’ores et déjà couronné de la 3 ème étoile. A bon entendeur salut !
La Bouitte
73440 Saint Martin de Belleville
04 79 08 96 77
www.la-bouitte.com
Suite dans une semaine avec le mini spa de la Bouitte et le Solant au Foin……