Golgota

« Golgota », crâne en hébreu, lieu de crucifixion à Jérusalem, terminus de la Passion du Christ et dernier spectacle de Bartabas. Œuvre complète et magistrale qui reprend la chronologie de cette Semaine sainte qui secoue et mobilise l’Andalousie chaque année autour de ses Vierges et des Christ portés sur des pasos. Ambiance crépusculaire dans la salle, dès avant le spectacle, cierges et encens, résonance de cathédrale. Un lilliputien (Pierre Estorges), sorti tout droit d’un tableau de Velasquez, joue le maître de cérémonie. Le rideau s’ouvre.

 

Un bucrane orne une cathèdre, une voix sortie de nulle part s’élève et la liturgie de la Passion peut commencer. Le fil conducteur, le ciment de cette folle soirée, sont « Les Motets pour voix seule », écrits par Tomás Luis de Victoria, compositeur espagnol du 16e siècle. Un haute-contre, Christophe Baska, accompagné d’un cornet, Adrien Mabire, et d’un luth, Marc Wolff, en procession ou assis dans une stèle, témoin parfois muet, donne vie aux marionnettes humaines que sont Andres Marín, le danseur de flamenco, et Bartabas, accompagné de ses chevaux. Les figures émaciées des deux protagonistes laissent à penser qu’ils sont déjà dans l’au-delà ou tout le moins rendus à leur dernier souffle.

Le face à face Bartabas et Andres Marin

Le face à face Bartabas et Andres Marin

 

Un ballet sombre se met en place. Qui de l’humain, pieds nus dans la fange (Andres Marín), qui du centaure (Bartabas sur son cheval) est le supplicié. Chacun à sa façon mène son chemin de croix. Chaque tableau est une estampe. Le travail du son et de la lumière est particulièrement remarquable. Trois couleurs, le noir et ses nuances, le blanc et le rouge, par touches, la robe d’un cheval, une collerette renaissance ou le manteau de la passion. Lors du tableau où le reniement de Simon-Pierre, au cours de la Cène, est évoqué, Bartabas et son cheval à la robe claire se laissent tomber, comme une évidence, doucement, lentement, une première fois ; le noir se fait, la lumière revient, le couple est debout. De nouveau, l’homme et sa monture chutent, ainsi trois fois. Le coq a chanté et Pierre a trahi avant que ne vienne l’aurore. Le dernier tableau, celui de l’agonie et de la mort du Christ, est particulièrement poignant, Bartabas, ceint de la couronne d’épine et revêtu du suaire, porte la croix sur son cheval, Andres Marín, après avoir gravi le « Golgota », chaussé de sabots de cheval, est lui crucifié au Mont des Oliviers. En toile de fond, un tableau peint par Bartabas, qui n’est pas sans évoquer Basquiat, l’artiste tourmenté à la courte vie. La voix de Christophe Baska s’élève une dernière fois alors que le noir de fin se fait. La mort comme une rédemption.

Le reniement de Pïerre et le cheval qui tombe pour la 3 ème fois

Le reniement de Pïerre et le cheval qui tombe pour la 3 ème fois

 

La tentation est forte d’accumuler les comparaisons picturales ; Bartabas ou Marín, la fraise autour du cou, évoquent bien sûr les visages hâves du Greco, figés pour l’éternité. Mais ce serait de courte vue. L’esthétisme somptueux de ce spectacle n’est pas une fin en soi. Tout concourt à une épure qui mettrait à nu l’âme humaine. Spectacle total, à contre-courant. Chacun à sa place, sans question d’ego, humble.

A la fin du spectacle, un regret m’étreint. Je ne crois pas en Dieu. Et pourtant le mysticisme, tel que le conçoivent Bartabas et Andres Marín, apparaît comme une porte de sortie aux tourments de notre monde moderne.

Les 2 faces en une même agonie

Les 2 faces en une même agonie

Critique de Marie Ningres, le 21 mai 2014

Tournée 2014 :

Odyssud, Ville de Blagnac

Représentations du 2 au 7 juin 2014

Festival des Nuits de Fourvière à la Maison de la danse à Lyon

Représentations du 22 au 28 juin 2014

Théâtre de l’Archipel, Scène Nationale Perpignan dans le cadre du Festival Les Estivales Représentation du 3 au 5 juillet 2014

http://www.bartabas.fr/fr/Bartabas/spectacles-10/Golgota

Photos de Nabil Boutros

 

 

 

 

 

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