Contour 7
Une exposition inédite sur le thème de l’utopie dans la petite ville belge de Malines.
À seulement deux heures de Paris et une demi-heure de Bruxelles, la jolie ville flamande de Malines nous embarque pour CONTOUR, la Biennale de l’Image en Mouvement. Une exposition foisonnante qui permet au profane comme au spécialiste de découvrir, à côté d’artistes reconnus, de jeunes talents prometteurs.
Nicola Setari, le commissaire, a choisi de centrer cette 7e édition autour d’un personnage historique, Thomas More, juriste, humaniste et homme politique anglais, grand ami d’Erasme, qui finit décapité en 1535 pour avoir refusé de jurer allégeance au Parlement.
C’est au cours de l’été 1515, lors d’un séjour en Flandres, entre Anvers et Malines, que Thomas More rédigea la majeure partie de son ouvrage le plus célèbre, Utopia. Cette île imaginaire, siège d’un État idéal, a donné le mot « utopie ». Mais l’homme de la Renaissance avait aussi un côté sombre : fervent catholique et défenseur du pape, Thomas More participa à la persécution des protestants.
Inspiré par cette figure ambivalente, CONTOUR 7 se décline autour de deux volets, Fooling Utopia et Monstres, Martyrs & Médias. La Biennale a invité 21 artistes à réfléchir autour de cette double thématique. Les œuvres, dont plus de deux tiers ont été réalisées pour l’occasion, sont à voir dans cinq endroits de la ville, riche en histoire, à travers une agréable balade à pied. Une manière de sortir l’art vidéo des institutions culturelles et de le mettre à portée de tous. Aucun complexe donc à avoir ! Petit tour d’horizon de quelques œuvres.
Utopies d’hier et d’aujourd’hui
L’artiste italienne Grazia Toderi propose « Moon Extinguishers », une installation vidéo de 10 minutes. Le titre est un clin d’œil aux Malinois, surnommés les Éteigneurs de Lune. L’artiste joue sur l’inversion des rapports : sa vidéo projetée au plafond, qui tourne tel un corps céleste, représente la ville de Malines, flanquée d’un point d’interrogation, vue du clocher de la cathédrale Saint-Rombaut. Peut-être une manière de suggérer que l’idéal utopique est à chercher ici-bas.
Plusieurs artistes de CONTOUR 7 opèrent un rapprochement entre flux des migrants en quête d’une vie meilleure et utopie : Javier Téllez, mais aussi le duo artistique néerlandais formé par Sander Breure et Witte van Hulzen à travers « The Shores Of An Island I Only Skirted » (Les rives d’une île que je n’ai fait que longer), une vidéo de 14 minutes composée de deux écrans placés dos à dos. Un écran donne à voir une petite île, lieu apparemment idyllique et protégé. Il s’agit en réalité de l’île norvégienne d’Utøya, où 69 jeunes travaillistes réunis en camp d’été furent assassinés par Anders Breivik, un fanatique d’extrême droite. L’autre l’écran présente un montage de divers fragments autour de la migration. Dans les deux cas, l’utopie a viré au cauchemar et produit une contre-utopie, transformation peut-être inéluctable, comme semblent l’exprimer les deux artistes.
Changement de ton avec l’artiste italien Michael Fliri, dont le titre de sa vidéo à la musique hypnotique est une citation énigmatique de Thomas More, torturé puis décapité : « I pray to God I’m a false prophet » (Je le jure devant Dieu, je suis un faux prophète). Artiste de la performance, Michael Fliri travaille beaucoup avec les masques. Évoquant la cérémonie, voire le sacrifice, la vidéo montre un visage plongé dans un matériau destiné à produire une empreinte. L’action en soi violente peut rappeler la fin tragique de Thomas More, considéré par un martyr et canonisé par l’Église catholique. Le choix du lieu de projection, une galerie souterraine de la ville ayant notamment servi d’abri aux Malinois lors de la Seconde Guerre mondiale, souligne l’ambiance oppressante.
Le plasticien français Fabrice Hyber, auquel le CRAC de Sète vient de consacrer une très grande exposition monographique, est également présent à la Biennale de Malines. Artiste inventeur-chercheur à l’esprit bouillonnant et à l’enthousiasme contagieux, Fabrice Hyber décline avec « TV MORE » le thème de l’utopie sous forme d’une maisonnette à la façade colorée où deux installations sont proposées. Fabrice Hyber a demandé aux habitants de Malines et du reste de la Belgique de lui envoyer leurs « utopies personnelles », dont il a imaginé les effets sous forme de vidéo. Une expérience de télépathie, autre utopie aux conséquences difficilement imaginables, attend également les visiteurs.
Malines et les femmes
« The Book Of Evil Spirits », de la plasticienne italienne Chiara Fumai, dont le travail porte notamment sur le féminisme, est une autre belle découverte de CONTOUR 7. Consacrée à des grandes figures historiques de femmes, l’installation a pour personnage principal Eusapia Palladino, célèbre médium du début du 20e siècle, mais guère loin de la bête monstrueuse pour certains scientifiques.
Les femmes, il est vrai, ont marqué l’histoire de Malines. Au 13e siècle est fondé un béguinage, communauté de femmes pieuses qui offre à ces dernières une autonomie et un espace de liberté alors impossibles ailleurs. Au 16e siècle, Marguerite d’Autriche, tante de Charles Quint et gouvernante des Pays-Bas, s’établit à Malines, donnant ainsi le coup d‘envoi du grand essor politique, économique et culturel de la ville. Enfin, à partir de la seconde moitié du 19e siècle, la Flandres est à l’avant-garde de l’éducation des jeunes filles, autre utopie heureusement réalisée. C’est ce que le visiteur curieux découvrira en se rendant à l’Institut des Ursulines, petit bijou de style Art Nouveau unique en Belgique situé tout à côté de Malines.
En savoir plus : http://contour7.be/fr/home
voir aussi le sujet sur Malines publié précédemment
https://www.levasiondessens.com/en-belgique-linstitut-des-ursulines-de-wavre-notre-dame/
A Malines en Belgique
Du samedi 29 août au dimanche 8 novembre 2015
Texte et crédits photos : Sandrine avec l’aimable autorisation de Contour 7