Braïtou-Sala à la Piscine de Roubaix
Redécouverte d’un peintre de l’entre deux-guerres tombé dans l’oubli, auteur de très beaux portraits mondains, dont l’histoire familiale fut marquée par la tragédie.
La Piscine, magnifique musée roubaisien installé dans une ancienne piscine Art Déco, offre un écrin de choix aux œuvres d’Albert Sala (1885-1972), dit Braïtou-Sala. Thématique, l’exposition se concentre sur sa production des années 20 et 30 et fait la part belle aux portraits, genre dans lequel il fit carrière.
Un portraitiste adulé du Tout-Paris
Né en Tunisie, Albert Sala (1885-1972) s’installe à Paris dans les premières années du 20e siècle. Introduit dans le milieu du spectacle, l’artiste multiplie au début des années 20 les portraits de divas, danseuses et actrices. Auréolé par le succès, il décroche des commandes auprès d’une clientèle aristocratique et bourgeoise. Le genre est rémunérateur et très en vogue. Les modèles, majoritairement des femmes, sont souvent clientes des maisons de haute-couture parisienne.
Il y a un vrai plaisir à contempler ces œuvres tant Braïtou-Sala, qui s’inscrit dans la tradition des maîtres du genre, excelle dans le rendu des étoffes et des bijoux. S’il porte une attention aussi particulière à la parure, c’est aussi parce que celle-ci marque le rang social du modèle. Il s’agit de flatter le commanditaire et de se plier à ses exigences afin de le représenter tel qu’il voudrait être vu.
En réalisant les portraits de ces belles, Braïtou-Sala livre un abécédaire de la mode de son époque, du chapeau-cloche à la coupe garçonne, en passant par la robe du soir en lamé.
Parmi les plus belles œuvres exposées, on retiendra la Vénus verte (1929), qui donne à voir une femme dans une robe de velours céladon au vertigineux dos-nus sur lequel glisse un collier de perles, et le Portrait de Madame Revel (1937), icône de la mode des années 30 drapée dans une longue robe du soir blanche en tissu cloqué.
Une facette plus intime
L’exposition présente également une autre facette de la production du peintre, loin des portraits mondains.
Une salle est consacrée aux portraits d’enfants caractérisés par une spontanéité et une fraîcheur évidemment absentes des commandes de la haute société.
Le visiteur plonge aussi dans l’intimité de l’artiste, notamment à travers les portraits de son épouse, Marie-Jeanne. L’histoire familiale du peintre est marquée par la tragédie. D’origine juive, cinq de ses proches parents seront déportés et assassinés à Auschwitz, notamment son neveu Yoyo, raflé en 1942. Braïtou-Sala lui-même devra se cacher pendant un temps dans une abbaye parisienne. Après la guerre, meurtri et affaibli, l’artiste s’installera dans les années 60 à Aix-en-Provence puis en Arles, où il décèdera en 1972.
Braïtou-Sala (1885-1972) : L’élégance d’un monde en péril – Du 19 mars au 5 juin 2016
La Piscine – musée d’art et d’industrie André Diligent – Roubaix
Plus d’infos : http://www.roubaix-lapiscine.com
Texte : Sandrine D.
Visuels fournis par le musée :
Autoportrait aux binocles, 1916
Crayon noir et huile sur toile marouflée sur isorel
Collection Sala
Portrait de Marie-Jeanne à l’hermine, 1935
Huile sur bois
Collection Sala
Portrait de Gabrielle, 1934
Huile sur contreplaqué
Collection particulière
Vénus, dite Vénus verte, 1929
Huile sur toile
Don de la famille Sala en 2015
Roubaix, La Piscine – musée d’art et d’industrie André Diligent
Portrait de Madame Revel, 1937
Huile sur toile
Collection Comte Bertrand de Montesquiou Fezensac
Photographies des tableaux et du bassin par Alain Leprince