Parfums en odeur de sainteté

Ambre, encens, myrrhe, oud, santal : toutes ces odeurs sont présentes dans les fragrances de ce début d’année, à croire qu’un certain mysticisme s’empare des nez et que tous veulent célébrer, comme les rois mages il y a 2 000 ans, le nouveau-né de la crèche.

Retour aux sources donc pour l’Epiphanie 2014 qui sera, cette année, orientale à 100 %. Les senteurs-baumes sont des résines odoriférantes, des parfums lourds, profonds, tenaces qui tiennent sur la peau quand les autres matières premières se sont effacées. Ces essences inspirées sont présentes dans toutes les religions qu’elles rappellent les effluves des encensoirs d’églises chrétiennes, les bâtonnets des temples bouddhistes, hindouistes, les feuilles de papier d’Arménie, les pétales cireuses des autels asiatiques, le cédrat des synagogues, les parfums liquides des sorciers africains, les cônes résineux des animistes. Des parfums gravés dans les fresques égyptiennes aux offrandes parfumées indiennes ; certaines odeurs aident à s’échapper du monde matériel et incitent à rejoindre des sphères plus élevées et spirituelles.

L’encens et la myrrhe, matières premières fétiches de Serge Lutens

Le mythique créateur de Féminité du Bois est un fervent adepte de la résine d’oliban que l’on recueille de l’arbre en lui infligeant des incisions. Dès 1996, Serge Lutens qui allait chercher son encens dans le Dhofar (sultanat d’Oman) l’associe à la lavande apportant un peu de fraîcheur et de vivacité à la lourdeur de la résine. Aujourd’hui avec sa dernière eau Laine de Verre, il utilise un encens de Somalie qui est plus froid, plus profond. Ce grand parfumeur teinte toujours ses jus d’un certain mysticisme par le choix de ses matières (myrrhe, benjoin), symboles de l’Arabie ou par le seul nom donné à la fragrance. Autour du lys, « La Vierge de Fer » est selon lui « un esprit, une attitude vis-à-vis de ce qui crée la beauté ». Myrrhe et Délices de Guerlain, Myrrhe Ardente d’Annick Goutal nous vantaient déjà il y a plusieurs décennies les vertus enivrantes de l’arbuste épineux, sa nature à la fois gourmande et nocturne. N’y aurait-il pas un peu de myrrhe dans cette Vierge de Fer ?

Le bois d’oud masculin et féminin à la fois

Très prisé par les habitants de la péninsule arabique, en particulier les princesses arabes, le bois d’oud a été surexploité par les maisons de parfumerie il y a 5 à 8 ans, les entraînant à créer de l’oud reconstitué à partir d’autres matières premières. Avec l’oud, quelques créateurs ont été avant-gardistes comme Tom Ford qui a sorti 3 jus autour de ce bois (Oud Wood, Tobacco Oud et Oud Fleur) et les plus beaux ouds restent sans contestation ceux de Van Cleef & Arpels ( Precious Oud), d’Armani Privé (Oud Royal), de By Kilian (Incense Oud), de Francis Kurkdjian (Oud). Aujourd’hui l’oud est aussi féminin quand il magnifie la rose et la rend plus riche et animale chez Valentino avec Valentina Oud Assoluto et surtout chez Patricia de Nicolaï avec Rose Oud, une de ses dernières créations alors qu’Amber Oud est plus masculin car boisé, épicé, cuiré. Même constat chez Hugo Boss qui virilise l’oud dans Damask Oud et boise à l’extrême cette composition sombre, lourde et enivrante de Jean Michel Duriez, son créateur.

L’universalité de l’ambre

Sensuel en diable, l’ambre est omniprésent et depuis la nuit des temps dans les parfums qui cherchent à révéler une certaine chaleur à la limite de l’érotisme. Travaillé de différentes façons, l’ambre est précieux chez Florame, soyeux chez Armani Privé, russe avec Marc Antoine Corticchiato de Parfum d’Empire, extrême chez l’Artisan Parfumeur. Toutes les facettes de l’ambre sont exploitées et la résine souvent associée à du ciste, à du patchouli est rendue alors plus animale.

Des noms révélateurs de spiritualité

Artiste et peintre dans l’âme, Candida Romero a investi une ruine du XIIIème siècle, le couvent corse San Francescu. Pour sauver ce lieu historique et religieux, des produits Eaudecouvent sont créés et une partie de leur vente est reversée à la sauvegarde et à la préservation du dit couvent. Divinedecouvent est une eau mystique qui entraîne la personne qui le porte dans un voyage initiatique et spirituel au cœur d’un lieu sacré.

Dans le Marais, David Frossard propose une parfumerie dite de niche avec des touches hautement spirituelles : les bouchons des flacons sont en forme de mitre, les noms sont écrits en latin (Sancti).

Inspirations divines aussi, appels au bien ou au mal, regards vers l’au-delà avec les maisons Frapin, Diptyque, Byredo et By Kilian. Partie intégrante des cognacs Frapin, la première odeur se nomme Paradis Perdu, la seconde est fumeuse en diable avec Volutes. La bougie parfumée de Byredo a été appelée Apocalyptic et Georges Kilian signe ses créations du serpent tentateur d’Adam et d’Eve en particulier quand il décore l’étui de Playing With The Devil.

Pour être béni (e) des Dieux tout au long de cette année, assurément il faut recourir à des parfums sacrés. Les odeurs divines ne manquent pas en ce début d’année. Alors, si vous voulez avoir les sens échauffés et l’âme élevée……