La renaissance de Notre-Dame de Paris
Notre-Dame de Paris renaît de ses cendres.
Patricia M. Colmant, reporter pour le site levasiondessens.com, a été sur place et a interrogé certains corps de métiers qui ont oeuvré avec brio à cette renaissance.
Victor Hugo par son roman a été le premier grand sauveur de Notre-Dame, qui dépérissait sans émouvoir les autorités de l’époque. Il la fit connaître au monde entier puisque son livre, paru en 1831, inspira la comédie musicale aux 5000 représentations et près de 20 millions de spectateurs. Elle fut magistralement restaurée par l’architecte Eugène Violet-Leduc dont la flèche embrasée, s’effondra dans un fracas tragique qui a boulversé la planète. Pour se relever de ce sort autrement plus dramatique qu’à l’époque de Victor Hugo, cette sublime cathédrale, première des églises ogivales qui vont grâce aux architectes français, tutoyer le ciel des grandes villes européennes de Westminster à Tolède, il lui fallait un autre Violet-Leduc.
C’est Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques qui va reprendre le flambeau de sauveur de Notre-Dame. L’homme est tellement « amoureux » de cette dame médiévale, qu’il s’est fait un point d’honneur à la reconstruire strictement à l’identique. Enfant, il avait construit une maquette de Notre-Dame. Adulte il s’est fait tatouer sur l’avant-bras gauche sa flèche. Qu’ aurait-il fait si les délires de modernisme en faveur d’une flèche de verre dont il fut un temps question avait abouti ? Aurait-il été le 3è homme à sauver ce joyau unique qui est à ce point chéri de part le monde que 350 000 donateurs dont 45 000 Américains ont mis la main à la poche pour sa reconstruction.
Le respect du patrimoine l’a emporté. Les 2000 artisans, compagnons, tailleurs de pierre, ouvriers, charpentiers, ferronniers, verriers, sculpteurs, ébénistes, peintres, facteurs d’orgue sous l’oeil de scientifiques soucieux de saisir l’opportunité pour mieux comprendre l’évolution de l’édifice et de ses matériaux, ont oeuvré sans relâche depuis ce funeste 16 avril 2019. Une énergie collective et des multiples talents pour que renaisse de ses sinistres cendres, la cathédrale millénaire. Philippe Villeneuve qui avait travaillé, avant l’incendie, sur des projets pour une rénovation partielle ( ce qui a sauvé les apôtres au pied de la flèche), s’est retrouvé du jour au lendemain à tout repenser. On suppose que même dans ses « délires » les plus fous, il n’a imaginé un tel chantier au chevet de « sa » Dame. Et aucune des entreprises, grandes ou petites, rompues à la restauration du patrimoine, n’aura envisagé d’avoir à proposer leurs services pour rebâtir à l’identique l’un des monuments de France les plus mythiques.
Nous avons échangé avec l’ Atelier Vitrail Saint-Georges près de Lyon, verrier spécialiste de la réfection des vitraux qui venait de restaurer la verrière des Galeries Lafayette à Paris. « Les échafaudages ont permis de nettoyer les trois roses » explique Jean Mône, maître-verrier de cette entreprise fondée en 1852. Son père, Joël l’avait achetée en 1979, a su la faire prospérer avant de la transmettre à ses enfants Jean et Cécile en 2010. L’atelier familial vient d’accueillir la troisième génération avec l’arrivée de Lissandre, 15 ans, fils de Jean, apprentis en CAP comme le fut son père il y a 25 ans. Les 3000 m2 de vitraux étaient répartis en douze lots. « Nous avons été sélectionnés pour restaurer deux lots, 120 m2 de vitraux de la sacristie et 400 m2 provenant du choeur » explique non sans fierté le maître-verrier. « En travaillant sur ces vitraux on a eu le sentiment que c’était un chantier unique dans une vie, que l’on participait à écrire l’histoire de France et mon équipe était heureuse d’être de l’aventure » reconnait Jean.
Chez Atelier de la Boiserie, une PME de 70 personnes réparties entre Paris et le Vaucluse, le sentiment est le même. La mission de restauration des boiseries, menuiseries et ferronneries était guidée par le souci d’excellence qui anime le quotidien des ces menuisiers ébénistes. « On a refait la patine sans mettre à blanc le chêne « nous explique-t-on. « Une attention particulière a été prêtée au choix de bois pour les greffes en réemployant du chêne ancien déjà oxydé » poursuit-on. Le souci de ces artisans était que la restauration soit la plus discrète possible. « A la fin, nous éprouvons l’étrange fierté d’avoir accompli un travail que personne ne remarque » conclut notre interlocuteur.
Gageons que parmi les millions de visiteurs attendus sous les voutes de Notre-Dame qui a retrouvé une incroyable luminosité sur chaque centimètre qui fait l’édifice, nombreux seront ceux qui apprécieront la clarté des vitraux restaurés par les verriers lyonnais et le reflet d’une menuiserie, la brillance d’un laiton, l’éclat d’une ferronnerie passé entre les mains des compagnons de Atelier de la Boiserie .
Patricia-M. Colmant
et un autre article sur les lustres de la cathédrale