J’ai visité Buchenwald

J’ai visité un des camps majeurs de l’idéologie nazie : Buchenwald.

Horreur et émotion étaient au rendez-vous ; mais gratitude envers certaines personnes du camp qui travaillent à la réparation pour qu’un tel holocauste ne puisse pas se reproduire.

L’occasion m’a été donnée de visiter le camp de concentration de Buchenwald. Au-delà de l’horreur qu’il implique, on ne peut que louer que l’extraordinaire travail d’éducation, de mémoire que réalise le lieu et une de ses conservatrices, Pamela Castillo Feuchtmann, afin qu’un Etat, une société ne basculent pas à nouveau un jour dans l’inhumanité la plus totale.

« à chacun son dû » ou quelques données effroyables

« Jedem das seine » (à chacun son dû) est dès ses premiers mois de la construction du camp au printemps 1938 la formule encastrée dans la grille d’entrée sur instigation du commandant du camp Karl Otto Koch. Orientée vers la place d’appel des prisonniers l’inscription montrait de manière impérieuse le droit présumé de la SS et de l’Allemagne national-socialiste à la ségrégation brutale, arbitraire des personnes pour des raisons sociales, politiques et raciales.

Tout a été déjà dit sur l’effrayante terreur que représentait un camp de concentration. Et si Buchenwald n’a pas été comme Auschwitz un camp d’extermination systématique avec des chambres à gaz ; il n’en reste pas moins un camp modèle satellite pour d’autres camps et un camp où furent internés des êtres considérés comme inférieurs ou opposants à l’idéologie nazie (prisonniers politiques, résistants, juifs, tsiganes, homosexuels, roms, récidivistes, fainéants).

A l’intérieur du camp, un mini zoo pour distraire les enfants du commandant nazi

Mon propos n’est pas ici de décrire les terribles conditions de vie, de logement, d’absence de nourriture, d’hygiène, de soins, les tortures physiques et morales… Il est en effet insupportable de voir certaines cellules de tortures, photos de cadavres nus entassés ; d’écouter les récits de 200 enfants morts sous les morsures de chiens kappos mieux traités et nourris que les détenus, de 8 000 prisonniers soviétiques tués par balle dans la nuque en une mise en scène macabre, de pendaisons pour seule intimidation, d’exterminations arbitraires quand la personne était jugée inefficace au labeur, de l’agonie programmée des ‘marches de la mort’ de l’été 1944, ect…

L’ostracisme et la violence

A l’opposé d’autres pays qui ont institué des exterminations massives de populations au nom d’une politique, d’une religion ou d’une race (Chine, URSS, Rwanda, Turquie, Cambodge, Birmanie…) ; l’Allemagne est le seul pays aujourd’hui à reconnaître un génocide dans son passé et à essayer d’en comprendre les causes afin d’en éviter le renouvellement. On se doit de l’en féliciter et d’approuver le courage de cette entreprise de réparation.

Lors de ses visites guidées du camp, lors de l’élaboration de l’exposition permanente, une des conservatrices du camp, Pamela Castillo Feuchtmann, fait à merveille et avec émotion un travail de mémoire, d’éducation pour les générations à venir au sein des jeunes dans les écoles, des personnels de l’armée et de la police.

Reprenant les principes de l’exposition permanente « Ostracisme et Violence », cette femme inouïe n’a pas la volonté de faire du pathos moralisateur lequel engendre à long terme une certaine aversion et ne permet pas de comprendre le passé et l’histoire. Elle entend expliquer ce qu’il vaut mieux ne pas faire afin de ne pas tomber dans le mal le plus sordide. Elle entend se démarquer de la tendance actuelle de la culture du souvenir, à savoir critiquer le national-socialisme en le décontextualisant pour se réduire à l’horreur du camp. Les camps n’étaient pas des ilots isolés du Mal anonyme et les crimes perpétrés étaient bien au cœur de la population allemande.

Selon ce qu’il était, juif, prisonnier politique, tzigane; des insignes différents étaient cousus sur le chemise du détenu

Il faut avoir un regard sur le camp avec la vision conjointe d’une population allemande qui acceptait le camp, vivait grâce lui (récupération des vêtements des détenus décédés, construction des fours par Topf & fils, travail commun dans les usines d’armement…). Preuve en est le voisinage de Weimar avec Buchenwald.

L’objectif de l’idéologie national-socialiste était la création d’une communauté populaire, ethnique homogène, de race pure. Pour y parvenir, des rapports forcément très violents devaient s’instituer et force est de reconnaître que le classement de populations en différentes classes inférieures et supérieures, le déni de toute dignité humaine se sont instaurés au sein du peuple allemand sans la moindre opposition et même avec une réelle volonté participative.

Selon le national-socialisme ‘à chacun son dû’ signifiait la création de rapports fondés sur la violence et engendrant uniquement la violence.

Les fours où étaient consumés les détenus décédés

Expliquer aux jeunes générations l’abominable de cet holocauste est une marche vers la recherche de la paix à travers les peuples, les races, les religions. Le travail actuel et éducatif du camp est donc grandement à louer et à approuver.

Bravo à celle, à ceux qui poursuivent sans relâche ce nécessaire devoir de mémoire. On ne peut que les en remercier.

Mémorial de Buchenwald

99 427 Weimar

Allemagne

+49 (0) 3643 430 0

www.buchenwald.de

16/04/1945 : dans la cour du crématoire, des habitants de Weimar et des soldats américains

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