Gildas Thomas : un artiste peintre de rue

Rencontre croisée entre un photographe, Georges Lévêque à l’oeil professionnel et averti, et l’artiste, Gildas Thomas, sur une fresque d’une commune d’Eure et Loir.

On l’a vu arriver un jour avec son fourgon, son échelle, ses grands fûts de peinture et ses pinceaux. Depuis une bonne dizaine de jours, les services municipaux de Cloyes-sur-le-Loir avaient posé un avis de non-stationnement sur le parking concerné et une annonce éditée par la mairie avait prévenu le voisinage : « une fresque murale allait recouvrir un grand mur mis à nu par de récents travaux d’urbanisme.» C’était le début de l’automne et le peintre a occupé les lieux trois semaines chaudement vêtu, avec bonnet sur la tête. A raison de huit heures par jour, l’artiste s’est mis à l’ouvrage. On s’est très vite rendu compte de son talent. Nous étions en présence d’un bel artiste, sympathique et attractif. D’où l’idée de peindre en retour son portrait par quelques photos et de l’interviewer sur son travail.

Comment a-t-on envie de devenir peintre d’aussi grandes fresques ?

J’ai commencé par le graffiti. Tracer de grandes courbes en faisant appel à tout le corps ; être au coeur de grandes plages de couleurs, j’adore ! De près, on plonge dans l’abstraction, on baigne dans la couleur, on surfe sur le mur et, parfois, on rame aussi ! Mais, bon, mon autre passion c’est l’apnée. Peut-être y a-t-il un rapport avec le fait d’être immergé ? Je ne sais pas, c’est comme ça, c’est tout !

La fresque en cours d’élaboration

Quelles études conduisent à ce savoir-faire ?

Depuis plus de quinze ans, mon activité professionnelle est un travail de commande. Je n’ai pas une « façon » de peindre spécifique. Le style graphique dépend de l’idée à mettre en place. Plus que les études, c’est l’expérience et aussi la curiosité qui conduisent à ce savoir-faire. Pour répondre à la question, j’ai fait des études de design.

3 semaines à l'extérieur au minimum pour ce type de travail

3 semaines à l’extérieur au minimum pour ce type de travail

Quelle fut votre première fresque aussi grande ?

En fait, dès le début, fin des années 90, la ville de Brest disposait d’étendues infinies où peindre était autorisé : le port, des friches, des parkings. Des milliers de mètres carrés pour se faire plaisir.

Comment avez-vous su que notre commune souhaitait une fresque ?

Après avoir peint les logos de votre communauté de communes sur les châteaux d’eau, la municipalité de Cloyes m’a parlé de l’idée. En 2016, votre maire Philippe Vigier m’a proposé de réfléchir sérieusement à ce projet.

La municipalité vient féliciter l'artiste

La municipalité vient féliciter l’artiste

Alors qu’on est positionné si haut au bout d’un bras de chariot élévateur, comment réussir une anse de panier si parfaite et des poutres si parallèles alors qu’on manque de recul ? Même question pour le travail des perspectives.

Pour gagner du temps et dans ce cas précis, j’ai utilisé un vidéoprojecteur. Habituellement, je n’utilise aucune technique particulière. Le graffiti m’a permis de développer une très bonne vision de l’espace. J’y vais directement. Mais à bien y regarder, ces poutres ne sont pas si parallèles !

Quelles peintures avez-vous utilisées à Cloyes ?

De la peinture en bâtiment de la marque JefcoSylco. C’est une acrylique destinée au ravalement de façade. Pour ce qui est des couleurs, je procède par mélanges.

Valeur à neuf de tout le matériel contenu dans votre fourgon ?

Je dirais une quarantaine de fûts d’une valeur de 150 euros l’unité, environ. A cela il faut ajouter le vidéoprojecteur, l’ordinateur, le vernis, les pinceaux ….

Comment calculer le temps à passer sur une telle oeuvre ?

Sur place, le travail s’est étendu sur près de trois semaines. Il faut ajouter beaucoup de temps en amont pour la recherche, la conception, les discussions.

Combien de fresques de ce type faites-vous chaque année ?

Le chiffre est variable. En plus il n’y a pas deux projets similaires. Et la plupart sont d’une durée plus courte.

Que faites-vous hors des fresques ?

J’expérimente. J’essaie de poser les bases d’un travail personnel sur toile. Je me fais plaisir !

Comment trouvez-vous les clients ?

Je ne démarche pas vraiment. Je réponds de temps en temps à des appels d’offre. Mais le bouche à oreille fonctionne bien pour moi actuellement.

Quel chiffre d’affaire faut-il atteindre par an pour faire ce métier durablement ?

Tout dépend de ses besoins, de ses envies. Personnellement, je ne suis pas à plaindre car je paie des impôts.

Quelles observations pertinentes entendez-vous des passants ?

J’aime mon travail et j’y trouve de multiples intérêts. De plus, le contact avec les passants est très intéressant. Public d’âge, de culture et de fortune très variés. On me parle de tout. Impossible d’isoler une conversation. C’est la somme de tous ces échanges qui donne de l’intérêt aux propos. C’est un mini-reflet d’une pensée sociétale.

Quelle est la durée de vie moyenne d’une fresque ?

Le vernis que j’utilise en couche finale est très efficace. Les premières fresques qui en ont bénéficié ont duré 10 ans et n’ont pas bougé.

Vue avec plus de recul de l'oeuvre

Vue avec plus de recul de l’oeuvre

ITW du 10 novembre 2016

Textes et photos de Georges Lévêque

http://gildasthomas.viewbook.com

 

 

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