Des changements au Grand Véfour ??

L’institution du Grand Véfour a changé. Le Grand Véfour se mue en un très chic bistrot avec des terrasses sur le Palais Royal.  Mais la qualité de la cuisine est encore là.

 

Certes Guy Martin a abandonné le tablier plusieurs fois étoilé de son tout premier établissement Le Grand Véfour ; mais dans une société et un pays où le luxe et le raffinement doivent être accessibles à tous, il surfe totalement sur la tendance en ouvrant les ors, les boiseries, les fresques pompéiennes de sa maison à tous. Même le guide rouge a laissé tomber le chef savoyard auparavant ovationné par les critiques gastronomiques et les gourmets de tous bords. Je n’aime pas qu’on lynche les chefs qu’on a autrefois flattés et idolâtrés car ils étaient généreux et sympathiques comme leur cuisine. Alors je suis allée tester à nouveau cette adresse mythique de la capitale pour me faire ma propre idée.

Thon wakamé et avocat en terrine

Retrouver l’histoire, le décor du lieu est à lui seul un enchantement et vaut le déplacement. Vous serez peut-être assis à la même place que Bonaparte, Hugo, Colette, Cocteau, Guitry, Aragon, Sartre, Malraux ? Entrer au Grand Véfour c’est revivre quelque peu l’Histoire de France : dès l’ouverture en 1784 du chic « Café de Chartres » par un obscur limonadier, le lieu devient le ferment des idées révolutionnaires de 1789, avant de devenir un luxueux restaurant pendant cette révolution.

Aubergine confite et son caviar, quartiers de pamplemousse

C’est l’arrivée de Jean Véfour qui donna son nom au restaurant sous la Restauration et Grimod de la Reynière, le fondateur de la gastronomie moderne, vante sa fricassée de poulet à la marengo et sa mayonnaise de volaille. Proche de la Comédie Française qui joue Hernani, le restaurant accueille Victor Hugo et ses amis pour des soupers de poitrine de mouton et d’haricots blancs. Plus tard la Belle Otéro y charmera ses amants ; puis il faut attendre 1948 pour que le restaurant redevienne couru par toute une intelligentsia d’artistes, d’écrivains, de politiques ravis d’être restaurés par Raymond Oliver.

Sandre sur une purée de pommes de terre aux agrumes et jus d’herbes

Depuis le début des années 1990 Guy Martin régale le Tout Paris oscillant selon les années entre les « 1, 2 étoiles » du Michelin. Depuis 2 ans la pandémie a éloigné étrangers, hommes d’affaires et politiques des belles tables de Paris ; il fallait donc un radical coup de torchon pour retrouver une clientèle française. Depuis quelques mois le lieu est une brasserie chic qui propose aux beaux jours une terrasse ouverte sur les magnifiques jardins du Palais Royal.

Quelques tables installées en terrasse offrent une vue sur les jardins du Palais Royal

Si vous ne pouvez à cause du temps profiter des tables extérieures ; vous pourrez toujours admirer les toiles peintes sous verre, les ors des boiseries, le rouge flamboyant et immuable des banquettes en velours de la salle dans un service nettement simplifié et moins pompeux. Le lieu est classé Monument Historique et l’ensemble est toujours aussi majestueux.

Dans l’assiette, quels changements ? Une carte plus bistrotière, moins sophistiquée dans ses recherches de saveurs ; mais la qualité, la créativité demeure. A défaut de sélectionner le menu du jour à 2 ou 3 plats (49 et 58 €), la carte vous entraîne vers une addition tournant autour des 80 €. Mais ces menus sont une belle opportunité : selon les jours vous aurez, par exemple, tarte au maquereau tomates olive coriandre + filet de canette purée de navets et radis poivre de Sichuan + baba au pamplemousse crème fouettée vanille ou terrine de volaille citron pignons de pin houmous + sandre pomme de terre aux agrumes et jus aux herbes + cube noix noisettes crémeux au chocolat noir.

Mousse de citron parfumée au jasmin, sablé au praliné-pavot

Mais comme nous étions plusieurs à ma table j’ai pu goûter dans les assiettes des uns et des autres et tester des plats de la carte. Pour les amateurs de légumes, une auberge confite, rôtie longuement et son caviar avec des quartiers de pamplemousse pour aciduler le gras de la chair du légume (22 €) ; de beaux artichauts à la barigoule avec de goûteuses tomates groseille et des perles d’olive croquantes sous la bouche et dévoilant un bon jus d’olive (28 €). Autre belle entrée que celle du thon assaisonné au gingembre et enroulé de wakamé et d’avocat, celui-ci apportant douceur et onctuosité au poisson qui peut parfois être sec (36 €). Une table voisine semblait se régaler d’un gros tronçon de lotte sur un lit d’épinards, le tout agrémenté d’une vinaigrette aux olives. Je n’avais pas sélectionné ce poisson le trouvant un peu cher (41 €). Plus simples les joues de porc dans leur jus de baies étaient fondantes à souhait (29 €).

Pour terminer le repas, le dessert au jasmin était d’une douceur florale que les Japonais plébisciteraient sûrement : une sphère mousseuse de citron parfumée au jasmin sur un sablé au pavot praliné (18 €). Pour ma part j’ai craqué et bien m’a pris pour l’éclair vanille qui dans son apparente simplicité était un grand moment : la crème pâtissière qui le garnissait était mélangée à un caramel de vanille très parfumé par les gousses (18 €).

Classée Monument Historique, la décoration du Grand Véfour

Sans même évoquer les vins, vous pouvez donc aller les yeux fermés au Grand Véfour. Vous ne serez pas déçu, car la qualité, le goût sont toujours au rendez-vous.

Le Grand Véfour

Le chef Guy Martin

17 rue de Beaujolais

75 001 Paris

01 42 96 56 27

 

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