« Collections privées, un voyage des impressionnistes aux fauves » au musée Marmottan Monet

À travers une soixantaine d’œuvres majeures jamais ou rarement montrées à Paris, le musée Marmottan Monet propose un voyage dans l’art européen de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, période féconde en écritures picturales nouvelles.

Les collectionneurs sont chez eux à Marmottan : l’intégralité des collections permanentes du musée est issue de donations privées. L’institution est ainsi dotée de la plus importante collection au monde du maître de l’impressionnisme, Claude Monet. En écho à la vocation d’origine de cet hôtel particulier devenu « maison de collectionneurs », une trentaine d’amateurs passionnés ont accepté de prêter les peintures, dessins ou sculptures de Renoir, Pissarro, Caillebotte, Degas, Toulouse-Lautrec ou encore Camille Claudel, pour n’en citer que quelques-uns, qu’ils ont le privilège de détenir.

Claude Monet, le maître des lieux, inaugure comme il se doit ce parcours chronologique. Désireux de capter l’instant présent, il peignait à l’instar des autres impressionnistes en plein air, « sur le motif », et l’on retrouve donc tout naturellement sur les cimaises des paysages saisis dans la fugacité de l’instant, irradiant de couleur : la Normandie de son Allée de sapins à Varengeville (1882) est tout aussi vibrante de lumière que la Riviera italienne des Villas à Bordighera, tableau réalisé deux ans plus tard. Plus rares dans son œuvre sont les natures mortes, dont l’exposition réunit pour le plaisir des yeux deux exemplaires, parmi lesquels Les Galettes (1882), qui surprend par sa vue plongeante.

Gustave Caillebotte – La Berge du Petit Gennevilliers et la Seine – 1890 – Huile sur toile 153 x 127 cm – Collection particulière © Christian Baraja SLB

Une perspective tout aussi curieuse anime Le Déjeuner (1876) de Gustave Caillebotte, où l’assiette et le couteau au premier plan, peut-être ceux du peintre lui-même, apparaissent comme relevés. Presque en vis-à-vis, et à l’opposé de cette scène à l’atmosphère étouffante, on peut admirer La Berge du Petit Gennevilliers et la Seine (1890), au format inhabituel puisque le haut du tableau est arrondi : la toile était destinée à l’appartement du frère Martial et devait être encastrée dans des boiseries. Des voiliers occupent une grande partie du tableau, il est vrai que Caillebotte était un yachtman passionné.

Une salle plus loin, place au néo-impressionnisme, représenté par Seurat, Signac, Rysselberghe mais aussi Van Gogh. La Seine à Courbevoie (1885) de Georges Seurat annonce son œuvre-manifeste pointilliste Un dimanche après-midi sur l’île de la Grande-Jatte : les bords de Seine comme lieu de promenade, la femme à l’ombrelle et à la « robe à tournure », le petit chien sautillant y sont déjà présents.

A quelques mètres, un plâtre inédit de Camille Claudel reprenant sa Petite Châtelaine « à la natte courbe » (1893) émeut particulièrement. L’artiste qui se remettait d’un avortement était venue se reposer au château de l’Islette, en Touraine. Le modèle de ce buste, la petite-fille de la propriétaire du château, posa en soixante-deux séances pendant deux étés.

Henri de Toulouse-Lautrec – La Blanchisseuse 1886-1887 – Huile sur toile – 93 x 75 cm – Onyx Art Collection © SGS Art Services – www.sgs.com/en/arts-and-culture/

Peut-être le plus intrigant des tableaux présentés est celui d’Édouard Vuillard montrant un intérieur avec sa nièce Annette. Membre fondateur du mouvement nabi, Vuillard a peint de nombreuses scènes de la vie domestique. Mais ici, le regard happé par la lumière en provenance de la fenêtre a bien du mal à distinguer la fillette, qui se fond, comme en camouflage, sur le plancher !

C’est un Van Dongen festif qui clôture ce voyage dont chaque œuvre mérite une halte. Réalisé en 1905, l’année fauve, Le Boniment représente deux clowns du cirque Medrano qui « chauffent » la salle avant le début du spectacle. Explosion de couleurs chaudes et vives appliquées selon les principes du tachisme, qui découle du pointillisme. Entre continuité et rupture, l’art poursuit sa route.

S.D.
Crédit photo du visuel d’ouverture :
Claude Monet – Villas à Bordighera – 1884 – Huile sur toile – 60 x 73 cm – Collection particulière © Collection particulière – Droits réservés

« Collections privées, un voyage des impressionnistes aux fauves »
Commissariat : Marianne Mathieu, historienne de l’art, adjointe au directeur, chargée des collections et de la communication du musée Marmottan Monet et Claire Durand-Ruel Snollaerts, historienne de l’art, spécialiste de Camille Pissarro
Scénographie : Anne Gratadour

Du 13 septembre 2018 au 10 février 2019
Musée Marmottan Monet
2, rue Louis-Boilly
75 016 Paris

 

Camille Claudel – La Petite Châtelaine « à la natte courbe » – 1893 – Plâtre – 33 x 28 x 22 cm – Collection
Reine-Marie Paris © S.D.

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