Aubusson tisse plus que jamais des tapisseries

La ville creusoise vit encore et toujours au rythme des métiers à tisser, la cité internationale de la tapisserie témoignant par le modernisme de ses créations d’un savoir-faire ancré, ultra contemporain et bien vivant.

Les 3 principales manufactures royales (Beauvais, les Gobelins, Aubusson) témoignent d’un fort passé patrimonial au cœur de l’hexagone de l’art français de la tapisserie. En balade en Creuse, mes pas m’ont conduit dans la petite cité d’Aubusson qui aujourd’hui revendique haut et fort son passé tout en voulant l’ancrer dans le futur par des réalisations ‘modernissimes’.

Une origine incertaine

Des mentions écrites de fabrication de draps de laine et de couverture dès 1457, l’hypothèse d’un prince ottoman exilé au 15 ème siècle à 40 kms d’Aubusson et l’installation de tisserands turcs, l’alliance entre des familles locales et d’autres flamandes d’Arras et du Hainaut…. L’origine de la tapisserie dans ces bourgades de la Creuse est incertaine ; si ce n’est que la pureté de l’eau non calcaire de la rivière, la Creuse, est un élément propice au dégraissage de la laine et à la fixation des teintures.

Scénographie à la cité avec une verdure au 1 er plan

La cité internationale de la tapisserie pour remonter le temps

Dès 1981 le projet économique et culturel d’un renouveau de la tapisserie porte ses fruits. Du centre Jean-Lurçat à la cité actuelle, les années ont prouvé que plus que jamais la tapisserie s’ancre dans la vie locale et sait surtout sortir du cliché ‘vieille tenture poussiéreuse d’un château’ pour s’ouvrir à un public jeune, à des artistes contemporains.

En apprentissage sur un métier à tissser

Dans la nef des tentures, on parcourt le temps avec les verdures du XVI ème peuplées d’animaux fantastiques ou réels et celles tirées des romans sentimentaux ; les tentures du XVII ème avec force récits bibliques, littéraires et mythologiques. C’est en 1664 que Colbert accorde aux ateliers d’Aubusson le droit d’inscrire en gros les caractères de ‘manufacture royale de tapisseries’ au-dessus de leurs portes. AU XVII ème siècle, Aubusson et sa voisine Felletin se démarquent, cette dernière ville restant fidèle à la religion catholique alors qu’Aubusson adopte la religion réformée. Louis XIV contraint à l’exil ceux qui refusent d’abjurer leur foi ; d’où la fuite de 200 lissiers aubussonnais vers la Suisse et l’Allemagne. La révocation de l’édit de Nantes entraîne une réforme de la manufacture et le XVIII ème siècle est une époque de grande production artistique concurrencée par la fabrication de tapis au point noué et de tapis ras. Au XIX ème la production est éclectique du néo-classicisme à l’orientalisme. Suivent au XX ème siècle des tapisseries liées aux divers mouvements artistiques : Art Déco, Art Nouveau, Arts and Crafts, mouvement surréaliste de Jean Lurçat. Cet artiste relance et médiatise la ville d’Aubusson tout en amenant divers artistes tels que Dom Robert, Marc Saint -Saëns, Robert Wogensky, ect… à la tapisserie.

Différentes tapisseries témoignent de cette évolution de l’art du lissier.

Un savoir-faire ancestral et vivant

Outre être un écrin pour les plus belles tapisseries de tous les temps et aussi un centre bibliothécaire de documentation de 6 000 livres, la cité internationale est aussi un lieu de formation des lissiers afin d’obtenir un brevet des métiers d’art. Malgré la pandémie, pas moins de 17 stagiaires sont en formation en cette année 2021, témoins des divers chaînages du savoir-faire qui se transmettent décennie après décennie.

Et on répare aussi les tapisseries des différents musées à la cité

Une plateforme de la création contemporaine

La cité présente les maquettes d’artistes et les tapisseries tout juste « tombées » du métier. Et de voir la licorne de Nicolas Buffle, inspirée des fameuses tapisseries de la dame à la licorne (fin XV ème siècle) conservées au Musée de Cluny.

L’imaginaire de Tolkien est aussi présent avec 14 tapisseries et 2 tapis. Tolkien, vous connaissez ? J. R. R. Tolkien est l’auteur du Seigneur des Anneaux et alors que son fils Christopher décède, c’est son épouse Baillie qui reprend la mise en valeur et promotion de son œuvre. En pensant à lui vous imaginez des textes ; c’est oublier que dès son enfance le génial écrivain a dessiné et peint.

L’oeuvre de Tolkien tapissée

La 1 ère tombée de métier a eu lieu en 2018 non sans une certaine émotion et l’ensemble des tapisseries devrait être terminé pour 2023, renouant ainsi avec la tradition des tentures narratives et littéraires. Mythologie actuelle, les tapisseries du Seigneur des Anneaux sont un peu les tentures de L’Histoire d’Alexandre d’après Charles Le Brun ou L’Odyssée d’Ulysse d’après Isaac Moillon.

La prouesse pour ces réalisations de Tolkien réside dans le départ de l’aventure : un ensemble d’aquarelles et de dessins conservé à la Bodleian Library d’Oxford dont la plupart ne mesure que 20 cms de côté. A la cartonnière Delphine Mangeret de réaliser des cartons en agrandissant le dessin ; au lissier de le retranscrire en interprétant selon un parti-pris ancien et des techniques et couleurs d’antan. Et Emmanuel Gérard, directeur de la Cité d’affirmer que c’est bien là un savoir-faire aubussonnais mis en place depuis 500 années.

Dans la même veine a été signée une convention entre la cité internationale de la tapisserie, le Studio Ghibli Inc. et le maître de l’animation japonaise, Hayao Miyazaki, pour créer 5 tapisseries extraites de ses films. On retrouvera ainsi l’errance en forêt de ‘la princesse Mononoké’, le banquet du ‘voyage de Chihiro’, les illustrations proches du travail d’un Jules Verne pour ‘le château ambulant’. Des appels à candidature auprès des ateliers sont en cours, témoignant de la vivacité et du modernisme dans la création des ateliers et manufactures locales.

Le dessin animé du japonais Miyazaki sera aussi une tapisserie

La Cité Internationale de la Tapisserie

Rue des arts BP 89

23 200 Aubusson

05 55 66 66 66

www.cite-tapisserie.fr

www.tourisme-creuse.com

 

-->
Show Buttons
Hide Buttons